Crise de mémoire et de savoir en Haiti

Article : Crise de mémoire et de savoir en Haiti
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11 octobre 2014

Crise de mémoire et de savoir en Haiti

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credit photo: unesourisetmoi.info

De tous ses traitres fils du XXème siècle, Haïti n’a pas connu pire que les Duvalier. Un Duvalier est de trop, mais l’histoire nous en a gratifiées du double. Pourtant, un Duvalier est pour la plupart des jeunes haïtiens un héros avec qui ils seront prêts à redessiner l’histoire. Faudra t-il donc prier le père, le  fils et le Saint-Nicholas, de nous  évitez un troisième ? 

 

Il est une évidence qu’Haïti fait face à une amnésie chronique. Il fallait que Baby Doc soit mort pour rappeler aux esprits que ses actes n’étaient jamais jugés. Un grand signal qui nous exhorte à revoir la liste de ceux qui ont causé préjudice à la nation et de décider. Mais, hélas ! On inhumera Duvalier avec ces foutues leçons que sa vie et sa mort ont tenté de nous inculquer.  A cet effet, le romancier Gary Victor constate et réagit : « Le drame c’est que dans quelques semaines toute cette macabre comédie sera oubliée et que nous serons à marcher dans les rues à comploter avec l’Américain dans un salon feutré pour propulser un autre nul, un autre malade mental dans le fauteuil ».

L’histoire haïtienne n’a jamais eu le courage de pointer à ses fils ces hommes qui les ont trahis. Le cours d’histoire à l’école classique haïtienne est un cours borné dans le temps. Le programme d’histoire pour les classes fondamentales s’achève à l’occupation américaine (1934). Les pages de son dernier manuel survolent les images des présidents allant de cette occupation à nos jours. En secondaire, ces sujets lassants et non exhaustifs seront de nouveau présentés à ces élèves sous une autre forme. De fait, l’élève haïtien doit personnellement s’efforcer pour rassembler les maigres moyens mis à sa disposition s’il veut retracer l’histoire.

Aucune acte véritable n’est posée pour apprendre aux nouvelles générations qu’il existe et existera parmi eux des hommes avec qu’ils ne devront jamais négocier l’histoire. Certaines victimes des régimes lavalas* et duvaliéristes n’ont seulement fait qu’écrire quelques pages de leur passé. Des pages qui sont majoritairement ignorées par un peuple doté d’une culture orale à cause de son analphabétisme. Peut-être serait-il une honte pour eux de clamer la honte de leur vie ? Il nous faut plus de braves, de bras et de forces pour raviver la mémoire aux haïtiens.

Devoir de savoir

Le 13 avril 2014 une annonce parue dans les colonnes d’un journal de la place ”qui se veut objective” a fait susciter beaucoup de remous. En effet, il s’agirait d’une justification des crimes du régime duvaliériste par le petit-fils Duvalier, Nicholas. Ce dernier, fils de Jean-Claude annonçait implicitement son avènement sur la scène politique avec un retour du duvaliérisme. Depuis, une sournoise campagne est lancée annonçant la participation de ce dernier aux prochaines élections présidentielles. J’ai malencontreusement rencontré des jeunes avec des t-shirt imprimés du Parti de l’Unité Nationale (PUN) *.

Des jeunes appelés à assassiner la mémoire de la patrie dans l’ignorance. Ils empruntent aveuglement la voix de l’ignominie. Voix suicidaire et périlleuse. Ce n’est pas le préjugé qui occupe l’esprit réfléchi, mais le doute. C’est avec consternation qu’on vit les dates saillantes des crimes des ex-régimes. Elles se défilent sans rappel, sans hommage à la mémoire des victimes. Les homicides vivent ainsi paisiblement sans craindre de réprimande pour leurs atrocités.

Les vécus du régime duvaliériste ont ainsi un grand devoir de mémoire envers les générations futures. Des générations qui, à leur tour devront remplir leur devoir de savoir. Mais, à considérer la chute nous ne serions pas trop loin de toucher le fond.

Lavalas : Parti Politique de l’ancien président Jean Bertrand Aristide.

PUN : Parti politique duvaliériste.

 

 

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