Vertières, cette insolence que paie Haiti.

Article : Vertières, cette insolence que paie Haiti.
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18 novembre 2014

Vertières, cette insolence que paie Haiti.

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Le 18 novembre 1803 les esclaves de Saint-Domingue se livrent dans une bataille sans merci contre l’armée française, la plus grande de l’époque et la mirent en déroute. La bataille de Vertières, reste la première grande défaite du grand stratège Napoléon Bonaparte. Haïti devint par la suite, le premier pays qui s’insurgeât contre la barbarie raciste et esclavagiste européenne très en vogue à l’époque et entraina d’autres colonies  dans cette voie. Cependant, cette bataille est reléguée aux oubliettes malgré son incontournable importance dans l’histoire humaine.  

La bataille de Vertières est la troisième et dernière bataille de l’armée indigène de Saint-Domingue contre les oppresseurs français. Plus de 20 000 mille esclaves décidèrent d’un ton commun de vivre libre ou mourir au lieu de se remettre sous les fouets de l’homme blanc. A cet effet, Pétion, leaders des troupes mulâtres, rejoignit Jean-Jacques Dessalines pour défier les troupes de Napoléon Bonaparte. Ce dernier suppléa le général Rochambeau à la place de Emmanuel Leclerc avec pour mission de rétablir immanquablement l’esclavage dans la colonie Saint-Dominguoise par tous les moyens. Ce choix ne fut pas innocent et démontre clairement à quel point Bonaparte tenait à cette colonie.

Rochambeau mis aussitôt en marche la machine répressive. Beaubrun Ardouin repeint l’atrocité française contre les insurgés  qu’ils noyaient,  pendaient, fusillaient, étouffaient dans la cale des navires avant de les faire dévorer par des chiens venus de Cuba1. Ardouin poursuit : « Rochambeau les fit placer sur un navire de guerre : on les plaça dans la cale en enfermant hermétiquement les écoutilles, après y avoir allumé du soufre. Ces malheureux furent asphyxiés et leurs cadavres jetés ensuite dans la mer2. » Les indigènes acceptaient ces représailles au lieu de se voir courber l’échine dans les plantations sous le forçât à cause de la couleur de leur peau.

Ainsi, après avoir essuyé l’échec à deux grandes batailles, soit celle de la Ravine-à-Couleuvres (23 février 1802) et celle de la Crête-à-Pierrot (4-24 mars 1802), les indigènes parviennent à se défaire de l’armée française. Cette dernière monopolisait dix (10) forts dans les environs du Cap, mais s’est vue assiégé par un stratège perspicace en l’occurrence Jean-Jacques Dessalines. La détermination et la bravoure des généraux qui épaulèrent Dessalines furent remarquables. D’ailleurs Rochambeau arrêta momentanément la bataille pour saluer la bravoure du général François Capois (Capois la mort) qui ne s’arrêta pas aux tirs des boulets qui atteignirent sa cavale et enlevèrent son chapeau.

La plus grande armée coloniale fut vaincue par un peuple en arme après douze (12) heures de combats au moins. Des 70 000 hommes envoyés par Bonaparte pour rétablir l’esclavage 55 000 laisseront leurs vies. Un délai de dix (10) jours fut accordé à Rochambeau pour retirer ses troupes du territoire.  Haïti rentre dans l’histoire et inspire d’autres colonies avoisinantes qui subissent encore la barbarie européenne.

Les éloges à l’encontre de ce peuple ne manqueront pas surement. Descourtilz estime que : Le plus beau sang a formé ces peuples ; il semble que la nature ait perfectionné tout particulièrement son mode générateur dans leurs formes nobles et gracieuses3. Pour sa part le Père Dutertre avoue que : Si leur corps a été soumis à la rude épreuve de l’esclavage, leur âme est demeurée indomptée… ils s’estiment autant que les maitres qu’ils servent4.  

Par ailleurs, ce fait est mal digéré par des conservateurs qui voulaient sans relâche maintenir le système esclavagiste et voyaient les haïtiens comme des petits nègres insolents. Selon le journaliste et écrivain uruguayen Eduardo Galeano, le troisième président américain Thomas Jefferson déclarait que c’est d’Haïti provenait la peste de la rébellion. En Caroline du Sud on incarcérait tout marin noir d’un bateau à quai, à cause du risque de contagion de la peste de la rébellion antiesclavagiste5.

Pour cette insolence, la France forcera à Haïti de lui payer durant un siècle et demi 90 millions de francs or, soit  17 milliards d’euros en échange de reconnaissance de son indépendance.

Aujourd’hui encore, les encyclopédies et les livres d’histoires parlent de Waterloo et non de Vertieres comme le premier lieu de défaite des troupes Napoléoniennes. A l’extérieur d’Haïti, l’Angleterre est le premier pays à abolir l’esclavage et l’on préfère Toussaint à Dessalines. Pourtant, Toussaint le précurseur n’a qu’aplani les sentiers à ce dernier qui sans épouvante a corrigé l’armée française.

   [1] Beaubrun Ardouin, Histoire d’Haïti, Tome cinquième, Paris, 1854, Edition Dr Francois Dalencourt, 5 Rue Saint-Cyr, P-au-P 1958, p.63.

[2] Ibid, p. 59

[3] Jean Fouchard, Les Marrons de la Liberté, Collection ”Histoires et Litteratures”, Editions de l’Ecole, Paris, 1972, p.143.

[4] Ibid, p.143.

[5] Article « Cette insolence nègre qui continue de contrarier les ames blanches », Eduardo Galeano paru dans Brecha, le 18 mars 2012, repris par Paroles en Archipel le 27 Septembre 2014 sous le titre : « Haïti, ce pays qui continue à expier son péché de dignité ». 

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