L’agonie du service public en Haïti
Il est un mythe que le service public en Haïti doit fonctionner dans le pire des états. Que ce soit la concentration de ces derniers dans la capitale ou les dispositions qu’ils offrent, toute laisse à désirer. L’irresponsabilité et l’insouciance frappante des fonctionnaires publics contribuent nettement à la déprédation du système. Par conséquent, tout consommateur par quel moyen que ce soit évitera de s’offrir ces services.
La croyance veut qu’il soit normal que le service public en Haïti trépasse. Du personnel jusqu’à la clientèle, il n’est pas une surprise que tout va mal. Ainsi, pour l’haïtien il est ordinaire que le service public lui offre ses piètres performances. Il n’en revendiquera rien en retour. On se demande pourtant comment peut-on ignorer des faits aussi probants quand on constate les conditions? En plus, les clients auront à payer les traitements infrahumaines, les dérives et la corruption flagrante qui leurs sont infligées.
Les services fournies par les entreprises privées tant que publiques en Haïti sont généralement disponibles dans la capitale. Le constat se fait a tous les niveaux : transport, santé, éducation, etc. Le citoyen ”an deyò1” du pays aura presqu’à parcourir tout le pays pour se payer les services les plus macabres qui soit. Ce qui explique la cohue des lignes interminables et sans queue devant les guichets.
Le laxisme des fonctionnaires publics saute aux yeux. De toute façon, il est leur cheval de bataille pour conserver la corruption et l’impunité qui gangrènent les firmes publiques. Au su et au vu de tous le problème s’amplifie quotidiennement sans être dénoncé. Même les détails les plus élémentaires sont ignorés. Les conditions d’hygiènes et sanitaires des institutions publiques sont des plus lamentables.
J’ai eu le cœur abattu lors d’une visite d’un patient à l’Hôpital de l’Université d’Etat d’Haïti (HUEH). L’insalubrité de l’environnement et ses odeurs puantes, les lamentations incessantes des malades laissés à eux-mêmes, etc. Rien ne manque au décor pour vous faire croire que c’est l’enfer. Pourtant, il est normal même pour le soupirant qu’il en soit ainsi.
Certes, des hommes lettrés et bien formés par l’occident nous sont revenus après leurs études universitaires. Ils sont bien nos administrateurs publics. Mais, cela n’empêche que l’on rencontre des monceaux d’immondices à chaque coin de rue. Ni de participer à de longs fils d’attente pour se faire une carte d’identification nationale. Cela n’empêche non plus que dans les hôpitaux publics des malades subissent des opérations chirurgicales sans être anesthésié. Et j’en passe !
Le client luttera du bec et des ongles pour s’échapper aux différentes épreuves qui lui sont exposé. Tous les chemins sont bons pour se rendre à Rome. Les ”raketè2” ne manquent pas. Ils infestent les cours des entreprises jusqu’aux bureaux. De mèche avec les fonctionnaires, ils offriront facilement aux clients les services recherchés. Il suffit que ce dernier accepte de négocier un supplément. Dans ces conditions, rien qu’en restant chez soi n’importe quel citoyen obtient n’importe quel service. Je connais des gens qui ne connaissent rien au volant qui détiennent leur permis de conduire. D’autres respirent avec leur acte de décès.
On se moque vivement des clients comme moi qui se plaignent des services et défendent leurs droits. Où tu te crois être ? Reviens sur terre, ici c’est Haïti ! C’est la réalité haïtienne mon ami ! Ah ! Ces entreprises publiques, vous les connaissez… Autant de slogans qui encense le mythe que le service public est réservé aux indigents. Le citoyen honnête se paie le luxe onéreux des entreprises privées. Néanmoins, c’est la mentalité haïtienne !
1- An deyò (en dehors) : En créole, terme populaire qui désigne les villes qui ne font pas partie de la capitale.
2- Raketè : Mercenaire qui soutire l’argent d’autrui pour lui rendre service illicite.
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